Les 3 principes de la capoeira (selon Instructor Bisao)

Axé (la pensée, l’énergie)

La capoeira se caractérise par la circulation de l’énergie (on parle d’Axé en portugais du Brésil, terme utilisé dans les rites afro-brésiliens et désignant la force présente dans les manifestations religio-culturelles des communautés noires). L’Axé, le fluide, la force née de la rencontre des différents protagonistes, de leur état d’esprit, de leur disposition interne, de leur chant, l’Axé s’amplifie, circule dans la ronde et inspire aux capoeiristes leurs figures les plus « inspirées ». Il s’agit donc d’être ouvert à ce phénomène et d’apprendre à s’ajuster à l’atmosphère qui nait dès que la musique démarre et aux intentions des autres pratiquants. Les enfants sont particulièrement sensibles à ces vibrations, et il s’agit par les exercices de leur donner les moyens de s’exprimer malgré la pression collective qui semble s’exercer. Les adultes restent parfois tétaniser par cette force (poder en portugais) qui semble dresser un mur entre les joueurs – acteurs et les spectateurs impressionnés.

Moção (l’impulsion, l’action)

Le deuxième point fondamental de la capoeira, c’est la motion (dans le sens d’impulsion en vieux français). La notion de rythme est propre à d’autres pratiques martiales. Les combats de boxe, de karaté, de lutte suivent un rythme parallèle aux pulsations des combattants. Mais la capoeira prend le parti exotique d’inscrire l’échange autour d’une ligne musicale et d’instituer un mouvement permanent des protagonistes qui semble les rendre prévisibles. La fluidité des mouvements, des coups et des esquives, des feintes et des crocs en jambe caractérisent le jeu.
Les capoeiristes doivent avoir pour objectif de faire corps, avec l’assemblée qui chante, avec les incantations des chanteurs et des instruments, avec les exigences des différents rythmes, tout en marquant des points. Il s’agit aussi de garder le contrôle de soi, malgré la transe que les pulsations fait naître et l’ivresse de la réussite. Le cœur doit rester froid, l’émotion ne doit pas prendre le dessus, le stress ne doit pas entraver la créativité du pratiquant.
Le mouvement, la mise en action, c’est aussi Le point fondamental de réalisation de la personne. Au-delà des pensées, au-delà des paroles, l’agir nous projette dans l’existence. Il s’agit de penser, de décider puis de faire l’expérience du projet qui a été conçu, sans s’arrêter aux considérations externes, aux appréciations morales ou esthétiques de tiers.
Il n’y a pas de « bons » ni de « mauvais » mouvements. Il n’y a pas d’enfants dociles ni d’enfants trop turbulents. Il n’y a pas de pratiquants doués et d’autres incapables.
Il y a une série de décisions, d’essais, de commencement de réalisation dont la somme aboutira à un autre soi, plus compétent, plus détendu, plus apaisé si la pratique devient une habitude. Car il faut se souvenir que l’on est ce que l’on fait assidûment. On devient ce que l’on a l’habitude de faire.
La motion, c’est la requête, la demande enfin formalisée, l’exigence, l’affirmation d’une ambition ou d’un besoin. Le pratiquant se prononce devant ses pairs, brise le silence, s’élance dans le jeu, dans le flux, dans la vie.
La motion, c’est aussi l’émotion
A.− Vieilli. Mouvement assez vif. L’émotion de l’air. La douceur de l’air, cette émotion de l’été qui nous entre dans la gorge en certains jours (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Rendez-vous, 1889, p. 60):
B.− Conduite réactive, réflexe, involontaire vécue simultanément au niveau du corps d’une manière plus ou moins violente et affectivement sur le mode du plaisir ou de la douleur. Éprouver, ressentir une émotion.
C.− Qualité chaleureuse, lyrique de la sensibilité; cœur, ardeur. Avoir de l’émotion, de la chaleur.
− Péj. Excès de sensibilité, sensiblerie, sentimentalisme.

Il est essentiel de réaliser que le corps est le siège de ces émotions et qu’il s’agit pour être de se mouvoir, de s’émouvoir, d’accepter d’être mis en mouvement.
L’action est la concrétisation du phénomène de création qui caractérise la vie. Par la mise en mouvement, je me réalise et je me donne la chance de découvrir mes sentiments (au-delà de mes pensées), de ressentir ce
« qui me convient le mieux, ce qui est vrai pour [toi] moi¹. »
Le défi, c’est de vivre l’instant présent, à chaque instant, à chaque seconde et d’apprécier la félicité qui s’en dégage hors de toute autre considération imposée par quiconque.

Consideração (le sens, l’accomplissement, la réalisation)

Finalement, la capoeira doit être le lieu de l’affirmation de soi, de la considération. Au-delà des questions de niveaux relatifs et de grades, l’enjeu est (et doit rester) personnel. Il s’agit d’apprendre à l’individu à s’exprimer, à prendre plaisir à se mouvoir et s’émouvoir, à s’estimer et à amorcer un voyage, une discussion, une aventure qui le concerne essentiellement.
Car la considération, c’est la formalisation évidente de l’axiome :
« Toi, tu importes, tu m’importes, tu nous importes par ce que tu me permets de découvrir lors de notre « confrontation ». Je me découvre en frôlant ton contour. Nous te regardons évoluer et grandir avec bienveillance car tu nous révèles à nous même en doux miroir. Nous tenons compte de ta réalité, de ce que tu portes, de ce que tu pourrais être et de ce que ça fait vibrer en nous. Nous découvrons nos propres imperfections, nos côtés obscurs, nous permettant de les résoudre. Nous nous adaptons à toi. Nous nous ajustons comme tu t’ajustes à nos mesures. »
Le français à se caractère magique de renvoyer par un mot à de multiples réalités qui prennent toutes vie si on y prête attention justement².
A.− Action d’examiner avec attention quelque chose ou quelqu’un :
1. Attention portée à quelque chose ou à quelqu’un
2. P. méton. Fait constaté; élément d’appréciation ou de décision résultant d’un examen attentif :
B.− Estime, égards que l’on témoigne à quelqu’un après avoir pu apprécier sa valeur. Témoigner une grande considération à quelqu’un; avoir de la considération pour quelqu’un.
♦ Avoir de la considération. Être estimé.
Dans le même mouvement, chaque élève est appréhendé pour ce qu’il est, pour ce qu’il cherche, pour ce qui le limite sans que cette limite ponctuellement constatée ne soit un terminus.
« Nenhum professor sem aluno.³ »
De même, il est reconnu comme estimable, considérable, et il devient un personnage de haute valeur, un sujet d’estime et de reconnaissance. Il s’agit de le restaurer dans ce qu’il a d’unique et d’appréciable, de le reconnecter à l’estime de lui-même, de lui faire réaliser que tout ce qu’il fait de bien, il le fait d’abord à lui-même, et que tout ce qu’il pourrait faire, il l’est déjà. Il suffit de se mettre en action, en mouvement.
Et si l’on approche de l’anglais juridique, on peut également estimer que cette considération a priori reconnue, c’est déjà un lien, un engagement contractuel entre l’élève, le professeur et le groupe, un engagement synallagmatique qui stipule que chacun s’ajustera au besoin de compréhension, de reconnaissance, d’encouragement, de stimulation de l’autre, des autres pour que tous avancent de concert selon son propre rythme.
C’est ainsi avec (com) sidération (surprise extrême) que chaque cours je réalise le cadeau que vous me faîtes à accepter de vous soumettre à mon imagination, en oubliant un peu de ce qui se passe alentours, pour un bénéfice difficilement quantifiable par l’œil non averti.
C’est avec sidération que j’accueille cette simplicité, ces hésitations, ces petits échecs et ces petites victoires que les élèves exposent enfin. Je valorise au plus haut point cette « visibilité4» si rare dans nos sociétés de la posture et des faux semblants. Vous me considérez, et je trouve cette posture considérablement gratifiante.
Ce consentement à l’effort sans calcul vous rend plus réceptif et plus grand, plus vaste, sans limite pourrait-on déclarer.
Malgré l’apparente dureté des entraînements et les injonctions impératives du Professeur, la capoeira est un chemin personnel qui ne doit pas ouvrir la porte à des rapports de domination ou d’humiliation.
Le seul étalon de la réussite, c’est la réalisation de soi (réussir tel mouvement – entrer dans la ronde – entonner un chant – sourire souvent – prendre plaisir – jouer en pleine conscience – s’épanouir dans le groupe).

  1. In Conversations avec Dieu – Tome 2.
  2. CONSIDÉRATION : Définition de CONSIDÉRATION (cnrtl.fr).
  3. « Il n’y a pas de Maître sans élèves. »
  4. Notion explicitée dans le livre Conversations avec Dieu de Neale Donald WALSCH
histoire
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