La capoeira.

BRÈVE HISTOIRE DE LA CAPOEIRA.

Si tout le monde s’accorde pour dire que la capoeira a été créée au Brésil par les esclaves d’origine africaine dès le XVIe siècle pour se préparer à fuir les plantations où ils étaient retenus comme esclaves, le débat persiste quant à son histoire précise.
Certains disent que le terme vient du tupi-guarani et désigne l’espace de savane aménagé pour permettre aux premiers pratiquants de s’entraîner loin des regards.
D’autres que le terme dérive du Kikongo et désigne une lutte ancestrale pratiquée par les africains. Le nom dériverait du kikongo Kipura qui désigne une lutte ancestrale pratiquée en Afrique centrale. Lutte traditionnelle, ses mouvements s’inspire des mouvements du coq.

Le Libanda pourrait être un autre ascendant. Comme pour la lutte libre, elle est pratiquée dans un cercle et le but est de mettre son adversaire au sol en utilisant la totalité du corps et en s’aidant d’une grande variété de prises, projections, balayages, etc. À l’origine, les coups étaient permis (mains, pieds, tête…) mais ceux-ci ont naturellement tendance à être oubliés pendant les entraînements et compétitions. Les deux concurrents vont chercher une faille ou le moment propice en balançant les bras en avant afin d’agripper l’adversaire. Cette lutte s’exécute au rythme des percussions, s’accompagne de chants de bravoure et de défiance, de figures de danse, de pratiques magiques et de l’évocation des anciens. En référence au léopard, symbole du Líbanda, les lutteurs se peignent des taches de peinture blanches sur l’entièreté du corps. Plus qu’un sport de combat, le Líbanda s’apparente aussi à un rite de passage : la victoire est un triomphe sur soi-même. Il est également possible que la capoeira ait été inspirée d’une autre technique de combat des armées du Royaume Kongo (qui comprenait la République démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, l’Angola et le Gabon). Cet art de guerre à main nue était enseigné aux guerriers devant affronter les armées d’occupation et portait le nom de « NGO-LO » (en français, la force de la panthère, celle-ci étant le totem historique du peuple KONGO), selon la Société des Historiens du Congo-Brazzaville.

Personne ne sait exactement. Parce que les populations d’origines africaines se racontent leurs traditions. Parce que les écrits et archives des autorités coloniales décrivant ces pratiques dans le Brésil portugais ont été volontairement détruits lors de l’Indépendance du pays. Ce qui est sûr, c’est que la capoeira est une pratique fondamentalement afro-brésilienne. Parce que les colons portugais n’ont pas systématiquement acculturé la « main d’œuvre importée » et qu’ils ont (dans un premier temps) toléré les manifestations culturelles africaines (contrairement aux propriétaires anglo-saxons qui ont systématiquement cherché à détruire l’identité culturelle des esclaves en dispersant les familles et en interdisant l’usage les idiomes africains dans les plantations).

La capoeira serait née dans les Senzalas (une Senzala était un grand logement destiné aux esclaves qui travaillaient à l’époque du Brésil colonial dans les fabriques de cannes à sucre) et les Quilombos (un Quilombo, du mot kilombo en Kimbundu, est une terre de l’arrière-pays brésilien et est fondé par des personnes d’origine africaine ; la plupart des habitants de quilombos étaient des esclaves fuyant les plantations) du Brésil coloniale avant d’investir les Favelas, rythmée à l’origine par les percussions.

Elle n’a pas de créateur, pas d’origine précise ou unique. C’est le fruit d’une rencontre, d’un déracinement, des souffrances et d’une aspiration à la liberté. C’est une pratique martiale économique. C’est une manifestation qui peut être violente, qui naquit clandestine, et qui n’a survécu que cachée derrière d’autres pratiques culturelles (Carnaval, Candomblé, sport).
Elle se caractérise par l’usage principal des pieds (puisque les esclaves avaient souvent les mains entravées) et le mouvement continu des deux combattants qui suivent le rythme de la Bateria. C’est une pratique marginale, développée par les sans droits, interdits de s’armer, pour se défendre, pour s’édifier, pour se fortifier et être à même de mieux supporter les difficultés de la vie dans le Brésil de l’époque.
C’est enfin une tradition orale, en perpétuelle évolution, marquée par des personnages de légendes digne de westerns dont on parle dans les chansons :

  • Anna de Souza Nzinga (dite Princesse Nzinga)
  • Zumbi do Palmares
  • Besouro
  • Lampiao
by Achille DevÈria, printed by  FranÁois Le Villain, published by  Edward Bull, published by  Edward Churton, after  Unknown artist, hand-coloured lithograph, 1830s
Héctor Carybé Roda de capoeira

Confinée dans les baraquements des nègres, dans les cours des grandes propriétés, dans les rues malfamées de la Rio de Janeiro impériale (suite à l’arrivée en 1808 du Roi portugais Don Joao VI), interdite et combattue par le pouvoir politique, la capoeira honnie des maltas Nagôas, les Guaiamuns et la Flor da Gente est subitement devenue un emblême national promu par la dictature militaire au XXème siècle (en 1937) pour construire le mirage d’une société brésilienne multiculturelle.
Symbole subversif (ce corps du noir oisif qui se tord, combat et danse, ce corps souple qui déambule dans les rues d’une société civilisée, blanche et républicaine), la capoeira subit en 1889 les foudres de la jeune République un an après l’abolition de l’esclavage. Rudy Barbosa, Ministre de l’Intérieur, fait disparaître toutes les archives de la diaspora noire. Il faut effacer le souvenir de l’implication des maltas dans le débat public, l’usage par le personnel politique européen des maltas de capoeiristes au cours de la campagne entre royalistes et républicains.La capoeira des gangs permettaient aux délinquants de ritualiser leurs affrontements, marquant ainsi les imaginaires et renforçant leur prestige. Noirs, métis, marins et truands blancs s’opposaient sans musique. Lutte violente et mortelle, elle sévissait à coup de rasoir, coups de tête, de coudes, de genoux et de balayages. Tout est permis pour obtenir la victoire.
La répression est féroce, et adopte les punitions violentes autrefois réservées aux esclaves récalcitrants (coups de fouet, exposition au pilori, mise aux fers, mise à mort). Elle s’accompagne d’une stigmatisation des manifestations de la culture noire persécutées, interdites et marginalisées.

La capoeira survit à Salvador de Bahia. Le Berimbau (arc musical d’origine africaine) fait son entrée dans les rodas et apporte le génie musical et ludique. La capoeira se drape d’un univers musical qui puise dans un réservoir inépuisable de la culture orale. Deux personnages symbolisent le renouveau : Maître Pastinha Vicente Ferreira Pastinha (1889-1981) et de Maître Bimba Manoel dos Reis Machado (1899-1974).

Aujourd’hui officielle, populaire et de plus en plus internationale, la capoeira est marquée par une profusion de thèses philosophiques, chacun revendiquant la connaissance des secrets originels.
Cette confusion qui dérange certains paraît consubstantielle à la capoeira :
c’est son origine africaine qui induit ce polymorphisme ;
c’est la pratique qui caractérise le mouvement, pas les règles ponctuellement arrêtées ;
comme dans les sociétés de masques, les initiés gardent les secrets mais les enrichissent sans peur de trahir l’héritage car l’évolution est la preuve de la vivacité, de la richesse et le garant de la persistance.

C’est un jeu au cours duquel on apprend à ne plus avoir peur, à se dépasser en essayant de maîtriser des mouvements inconnus, spectaculaires, presqu’impossibles.
C’est une pratique sportive mixte où les grands et les petits, les avancés et les débutants, les garçons et les filles peuvent s’amuser ensembles, chanter, danser, « faire semblant » de se battre.
Angola, Régionale, on ne fait pas de capoeira pour se gonfler d’orgueil, terroriser ses amis dans la cours de récréation, faire mal à ses camarades, pour devenir beau et musclé. Non, on fait de la capoeira pour se découvrir soi-même, apprendre sur les cultures du Brésil et de l’Afrique, se dépasser, se révéler.

Activité sportive, lutte dansée, exutoire, la capoeira permet de travailler l’équilibre, la souplesse, le sens du rythme, le chant, la convivialité, la confiance en soi, la pratique d’instrument de musique, le portugais…

Un monde nouveau s’offre à vous.

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